CONTRARIETES   Lorsqu’un des auteurs de TRAPPES, à moins que ce ne soit un autre roman, laisse ses empreintes digitales sur une scène de crime. Va-t-il pouvoir continuer à rédiger son chapitre? Le 45 pose la question…

45.

Au village, on a peut-être de beaux assassinats, mais la ville, c’est le top!

La plupart du temps, les meurtres manquent d’esthétisme. Aucun sens du décorum, du bâclé, un coup de fusil tiré à la va-vite, une lamé plantée à la va-comme-je-te-pousse. Rarement, quelques beaux fleurons surgissent.

Celui d’Olivier Vaucresson entrait sans nul doute dans cette catégorie.

A l’arrière de son magasin se trouvait un Musée d’Horloges Comtoises, «La Belle Balance à Pendule». Brigitte avait assez pesté contre cette marotte. Ils passaient une partie de leurs vacances à en chercher de nouveaux modèles. Ils écumaient brocantes, Emmaüs, vide-grenier… Puis, Olivier dédiait une autre large tranche de leur rachitique temps libre pour les retaper. Lorsque que le toc-toc du pendule revivait, Olivier affichait des joies qui tutoyaient l’orgasme mécanique. Mieux (ou pire…), il mettait un point d’honneur à ce que TOUTES les horloges sonnent leurs heures en simultané. Lorsqu’on possède 54 modèles, il valait mieux être tolérant sur les décibels. Quelques employées du magasin, préservant nerfs et oreilles, avaient collé leurs démissions au bout de quelques jours.

Signalé dans les guides, quelques bus déversaient des touristes devant «La Belle Balance à Pendule». Après une visite détaillée et menée par Olivier, certains se croyaient obligés d’acheter une montre à la sortie.

Brigitte fut guidée vers le musée par le flic de planton, celui qui avait bramé «la veuve du mort». Des vertiges nauséeux d’appréhensions viciaient ses viscères. Le commissaire Albert de Weinbrouck – dit «Le Phacochère» – n’arrangea pas les choses. Il enfila une paume moite dans celle de Brigitte, l’effleura du regard et ronchonna :

– Quand il faut identifier, il faut identifier. Je vous préviens, madame, c’est pas du tendre.

Brigitte s’attendit au pire et la scène de crime lui donna raison. Une comtoise fonctionne grâce à l’entraînement de poids en fonte et un balancier. Celui-ci avait été «remplacé» par la tête d’Olivier. Pour les connaisseurs, imaginez le générique de «La Minute Nécessaire de Monsieur Cyclopède» en version gore, le crâne de Vaucresson remplaçant la photo de Desproges. Un crime étonnant, non ? Tic, tac, tic, tac, jambes cotonneuses, Brigitte interrogea :

– Le… reste… du corps ?

Albert de Weinbrouck leva les bras au ciel.

– Ah, ben si on le savait, ma pov’ dame ! Bon, c’est lui ou c’est pas lui ?

Brigitte partit dans les pommes, les poires et les Soubirous, birous…

– Ah ben, me semble que c’est lui… releva Albert de Weinbrouck toisant le corps de la gisante.

Lorsqu’ils rejoignirent une altitude descente, le smartphone de Gérard reprit goût à la vie. Il s’agita tel un vibromasseur rencontrant une veuve joyeuse.

– Le Monde Réel se rappelle que tu existes, tu es content ? railla Charles… qui pouvait causer car il avait le nez collé contre son propre téléphone.

Heu-Reux ? Gérard laissait à «L’antre de Georgette» quelques fragments de ses ambitions littéraires. Il retournait vers l’alimentaire, celui de Crisis Conceptor. Il en vomissait chaque matin, heureux tout de même que cela comble son frigo. La pitance se remplit de certains vides. Ils allaient continuer avec Charles. Sur un rythme moins soutenu, peut-être, histoire de rêver à leur Licorne Noire, à De Salto, ne pas le décevoir. Il semblait y croire, pourquoi pas eux ? Il effaçait la tonne de mails inutiles accumulés depuis presque une semaine. L’urgent du moment qui devient futile quelques heures plus tard. Les appels en absence, par contre, affichaient un compteur moins vertigineux. Certains de ses collègues qui avaient oublié ses vacances. Pareil pour quelques clients. Il restait Brigitte. Elle avait tenté de le joindre 42 fois pour abandonner un seul message sur sa boîte vocale.

– Olivier a été assassiné. Appelle-moi. Tout de suite. Je t’en supplie. C’est important.

 

– Bon, vous le lâchez, votre téléphone ? Nous avons à causer maintenant que l’identité de l’autre est confirmée…

La patience et Albert de Weinbrouck ne trouvaient guère de rimes en commun… Proche de la retraite, comme tout aigri de son métier qui se respecte, il ne contenait plus ses détestations. Les pétasses avec la joue rivée sur l’écran de leurs téléphones à la con entraient au Top 5 de ses abominations (si l’occasion se présente, rappelez-nous de vous énumérer les autres).

– Je vais vous poser les questions débiles habituelles après vous avoir présenté mes condoléances. Comme ça, c’est fait avec les salamalecs. Bon (Albert de Weibrouck avait des tics de langage, dont un «Bon» récurent), vous lui connaissez des ennemis, à votre mari ?

– Je…je… n’en sais rien.

– Au niveau de votre vie de couple ? Il avait des liaisons ? Vous aviez un amant ?

– Dites-moi, commissaire, cette conversation n’est pas censée se dérouler avec un avocat ?

Un adjoint du Département Forensique s’approcha de Weinbrouck et lui susurra une information.

– Madame Vaucresson, est-ce que le nom de Gérard Pierlot, vous dit quelque chose ?

– Cela devrait ?

– Je ne sais pas… On retrouve ses empreintes digitales partout dans le Musée d’Horloges Comtoises. Je dis ça, j’oublie de vous dire le reste…

(à suivre…)

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