PING PONG A QUATRE MAINS  Retour à la case départ, celui qui a rédigé le premier chapitre et qui doit enchaîner sur le second de « Trappes ». Attention, c’est du torride avec chute garantie…

3.

Si j’avais un marteau, je ne serais pas une vis…

Comment un clou perçoit-il la tenaille qui s’approche de sa tête ?

Comment le karma d’un clou supporte-t-il sa destinée d’être martelé ?

Arraché, enfoncé, Gérard s’assimilait vachement à un clou.

Un clou à la porte du vice, celle de la chambre à coucher vers laquelle le guidait Brigitte.

Gérard souffrait autant que lorsqu’il était passé par la case «oreillons» durant son enfance. Quant à l’objet qui aurait pu connaître une vasectomie, quelque chose lui hurlait dans les tympans qu’il risquait d’être mis à contribution. Sous peu.

Brigitte prit elle-même l’initiative. A peine le seuil franchi, elle plaqua Gérard contre un mur (légèrement crépi, blanc crème immaculé), et lui renouvela sa passion buccale.

Gérard émit un bien piètre et faible :

– Gnon

Brigitte se recula de quelques millimètres et lui souffla quelques mots dans son tympan droit…

– Tu te dis : «Je ne peux pas faire ça à Olivier Vaucresson, mon meilleur ami de trente ans »…

– Je te le répète, pas de lendemain…

Brigitte lui mordilla un lobe de l’oreille. Tétanisé (et sentant s’éveiller des ondes si rares depuis des siècles dans son anatomie), Gérard tenta de se dégager. La poigne de Brigitte surpassait ses lamentables forces. – Ok, Gérard, on voyage dans le temps ? Tu sais ce qu’il dit de toi, ton Olivier ? (baiser très rapide sur ses lèvres de mâle apeuré)

– Gnon ?

– Que tu es un gentil minable… Heureusement que l’on t’invite parfois, que cela te sort de ta médiocrité… (autre baiser et caresse le long du bras droit, les poils se mirent au garde à vous)

– Ah ?

– Gérard, si on retrouvait ensemble tes valeurs ? (sa paume qui lisse sa joue à lui, ooohh la chaleur de cette paume)

Avec une certaine présence d’esprit, il aurait pu dire qu’il ne cotait pas en bourse. Que tout ce qu’il entreprenait piquait du nez, pareil qu’un Stuka sans ailes. Il voulait émettre plein de «Gnons», sa volonté glissait entre les mailles d’un filet de voix.

– Je connais les infidélités d’Olivier. Je les lui rends quand elles me donnent le blues. Et ce soir, Gérard, j’ai un grand coup de blues !

Adieu la légèreté. Brigitte passa la 5e, les hormones chauffées à blanc. Un tsunami de chaleur charnelle envahit le couple.

Gérard misa beaucoup de choses sur une supposée impuissance.

Il se concentra sur les bruits extérieurs, la proximité tétanisante d’Olivier, les conversations si proches. Il s’injecta dans son moral de colossales doses d’empathie envers des victimes d’attentats. Comment s’adonner à des galipettes lorsque des milliers d’humains souffrent autant ? Hein ? Il calcula le montant de son maigrichon compte en banque, ausculta l’état de ses dettes, se remémora les poils drus qui poussaient sur la joue de sa tante Mariette, se concentra sur le fiasco de son dépucelage.

Rien à faire.

Il voulait rester de marbre mais même les statues connaissent les érections. Advint ce qu’il advint, homme devant l’Eternel, Gérard se mit à bander. Brigitte, la main sur sa braguette, apprécia l’évolution de la situation.

– Tu vois, quand tu y mets du tien !

Empoigné par les revers de sa chemise, Gérard chuta et rebondit sur le lit (200 x 180), huma l’odeur de la housse de couette, se mit à réagir aux sollicitations de Brigitte. Les gestes s’enchaînèrent et il ne se prit plus pour un maillon faible. Il cueillit ce qui était offert. Il cessa enfin de se demander pourquoi Brigitte jetait son dévolu sur un minable comme lui. Il prit le cadeau dans sa globalité, froissa le papier, défit le nœud, jouit de la surprise.

Brigitte le tempéra avec douceur…

– C’est un amuse-bouche… Avant du plus agréable, plus tard, pas ici…

Aux tréfonds de lui-même, Gérard n’entretenait aucune illusion. Il se savait un jouet éphémère entre les mains d’une étoile filante. Même dur, il connaissait la rigidité des conventions. Qu’elle s’amuse, la Brigitte, qu’elle le possède jusqu’au trognon, il anticipait les pépins, d’indubitables emmerdes se profilaient à l’horizon. Gérard s’en battait les génitoires quasi à l’infini. Trop bon. Trop fort. Trop rare. Trop…

Comment dire ?

Le trop plein de bien, quand on n’y est pas habitué, entraîne des effets secondaires. Au sommet de la vague, Gérard ne put freiner une explosion. Pas un niveau de la fermeture éclair, loin de là. Plus haut, côté cœur. Il pompait, il pompait, l’organe, un authentique Shadock sous anabolisant. Quand le coup de mou se pointa, le sang ne fit plus qu’un tour, il n’en faisait plus du tout. Notre Gérard avait le cardiaque qui entrait en crise, qui avait de sales envies de déposer son bilan.

Brigitte eut devant elle le spectacle d’un corps saisit de tressautements, de crispations. Des yeux qui roulaient dans les orbites, des convulsions à en veux-tu, en voilà !

Arrivé dans la chambre à coucher avec un malaise bidon pour en avoir, ensuite, un vrai de vrai, un qui n’est pas du pipeau, c’était du brutal ! Avant de sombrer dans les abysses d’ébène, Gérard entendit un cri strident. Brigitte qui devait alerter ! Faiblement, un mot, un seul, sortit de sa gorge, entre deux mousses baveuses et mentholées :

– Gnon…

(à suivre)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *