SEXE   Après tant et tant d’action, de violence, de fureur, mettons un peu d’amour et de sexe dans ce monde brutal. « TRAPPES » finit son premier mois d’existence avec de la sensualité apportée par Ludovic Dabray et/ou Joël Cerutti. Qui reviennent lundi!

20.

Il y a tant de moyens d’ennuyer ses voisins, pourquoi alors apprendre le violon ?

Une chambre d’un hôtel pour voyageurs. Il faisait aussi hôtel borgne pendant la journée. C’était ici que le notaire, le médecin, l’homme d’affaires entrainaient leur secrétaire pour lui faire faire des heures supplémentaires, plus ou moins consenties, plus ou moins payées.

C’est là que s’arrêtaient les familles sur la route des vacances. C’est là que se défloraient des jeunes filles qui avaient la chance de vivre cet instant dans un lit.

C’était dans cet hôtel que Brigitte et Gérard s’étaient abrités, cachés, planqués, comme des malfrats en cavale. Bien sûr, ils venaient de prendre la tête du Service de la Protection Intérieure du Territoire. Et puis ? Si c’était pour vivre traqués, sur leur garde en permanence, à ne plus jamais oser boire un verre en terrasse, à ne plus jamais aller acheter du pain, à ne plus pouvoir se promener en amoureux.

Brigitte se faisait un flash sur le thème «Olivier doit s’inquiéter». Mais elle s’en moquait bien. Olivier. Tu parles d’une couverture à deux balles. Comment allait-elle se débarrasser de ce témoin gênant ? Pour une fois qu’ils avaient un point en commun. Parce qu’il s’agissait bien de ça. Brigitte était une témoin gênante, elle aussi, et c’était pour ça qu’elle était devenue codirectrice du Service ! Pour qu’elle se taise. Pour que la menace extérieure la fasse taire.

Son alter ego était en train d’effacer des restes humains du Grisoune l’effroyable affront. Une douche interminable. Se laver. Se laver de la poussière, du sang, des particules de chair, de viscères qui s’étaient immiscés jusque sous ses vêtements.

Il remplaçait un bain pris à la hâte dans le corps explosé de Grisoune par une douche salvatrice.

Brigitte l’avait précédé sous la douche. La galanterie avait encore droit de cité.

Ils s’étaient croisés sans émotion, nus, dans la brève salle d’eau. Il n’avait pas eu un regard pour elle. Elle avait détourné les yeux pour ne pas envisager ce qui venait de se passer sous l’angle le plus affreux, la mort en poudre ! De la poudre de Grisoune. Il était devenu poussières à l’instant même de sa mort. Raccourci.

On leur avait promis des fringues propres. Entre les bureaux du Service et cet hôtel de proche banlieue, on leur avait donné des trainings pour cacher la merde au monde. Ces vêtements de sport s’étaient souillés au contact des habits civils qu’ils avaient juste recouverts, le temps du transfert. Ils étaient bons à jeter !

Gérard finit par penser qu’il était tellement propre que l’eau le salissait, à présent. Tous les échantillons de shampoing, de bain-mousse et de savon que lui avait laissés Brigitte avaient été consommés. C’est tout juste s’il ne s’était pas frotté avec les emballages.

Il sortit de la salle de bain. Envisagea Brigitte étendue dans le plus simple appareil. Un temps, il se dirigea vers le modeste coin salon. Puis il pensa qu’assis sur ce fauteuil avec le sexe qui lui pendait entre les jambes n’était guère à son avantage.

Se coucher sur la partie de lit laissée libre par Brigitte était la deuxième option.

Sur le dos, côte à côte. Brigitte offrait son côté face sur lequel deux seins pointaient vers le ciel malgré la position allongée. Robustes et fermes. Modestes, mais fiers. Plus bas, au sud de son ventre, un dessin rectangulaire rappelait la couleur de sa chevelure abondante, comme si, là-bas, émergeaient les racines de ses cheveux.

Gérard se trouvait à deux centimètres à peine de ce corps désirable, oh combien. Fourbu d’une journée violente, le dégoût aux lèvres d’avoir servi de poubelle aux restes humains de Grisoune, il n’avait aucune envie de libidineuse.

Pourtant, il constata bientôt que son sexe prenait de la vigueur. C’était confus. C’était comme une érection nocturne. Comme si son corps avait décidé de ne pas mourir tout de suite. Bandait-il ? Oui, c’était bien le verbe qu’il fallait employer.

Brigitte ne pouvait pas s’en apercevoir, le regard rivé vers le plafond. D’ailleurs peut-être s’était-elle endormie, éreintée, elle aussi, par tout ce charivari.

Comme mu par une force invisible, imprévisible, la main de Brigitte s’était mise en mode reconnaissance et parcourait le bas du ventre de Gérard. Le constat qu’elle fit lui révéla ses propres envies.

Elle se rapprocha de lui. Elle se fusionna avec lui. Ses lèvres vinrent goûter la réalité de celles de Gérard. Il était homme. Vivant. Encore. Elle était femme. Pulsante. Toujours.

Elle l’enjamba. Appuya ses bras sur son torse. Vint amarrer son sexe sur celui de Gérard. Et elle se fit l’amour à elle-même. Exploitant ce membre qui lui tendait sa force.

C’est la jouissance de Gérard qui enflamma son coït. Elle voulait sentir un homme venir en elle, pour elle, à cause d’elle, grâce à elle. Comme pour tuer Olivier.

Au paroxysme de leurs plaisirs, des images revinrent dans leur mémoire. Pas celles de cette journée horrible, pas celles de ce Grisoune qui n’avait eu que ce qu’il méritait, mais celles d’une autre fois, il y a longtemps.

Ce n’était pas la première fois qu’ils faisaient l’amour.

À partir de maintenant, chaque fois risquait d’être la dernière.

(à suivre)

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