A TABLE!!!! On en apprend des vertes et des pas mûres sur la maladie de notre héros et sur le passé de son amie. Le moment de cueillir le chapitre 13 d’une saga qui en promet bien d’autres. Rédigée tour à tour par Joël Cerutti et Ludovic Dabray.
13.
Si les vérités ne sont pas bonnes à dire, les mensonges ont-ils des qualités?
Les vérités, même fugaces, se transforment parfois en uppercut. Brigitte essayait d’assembler les pièces d’un puzzle badigeonné de vaseline. Les éléments glissaient entre ses doigts.
– Agent dormant ? Je suis une Belle aux Bois ?
– Brigitte… Voyons… Je vous énumère le nombre de missions que nous avons menées ensemble ?
Brigitte prit une voix genre Bruel année 90, cassée, qui trébucha sur les sujets, verbes et compléments.
-Attendez, ATTENDEZ ! Je suis une mère de famille, mariage utile, bon parti, belle fortune. Vous insinuez que j’aurais du 007 dans mon ADN ? Je trouve que vous avez un fort sens de l’humour au Service de la Protection Intérieure du Territoire !
– On se marre tous les jours… en pensant à ce qui vous est arrivé.
-Vous ne m’en dites pas assez dans le trop de l’insinuation, là…
-Le terrain ne vous suffisait plus… Vous disiez que l’adrénaline bandait mou… C’est là que vous vous êtes portée volontaire pour le programme expérimental.
– Dites tout de suite que j’ai un profil de cobaye maso !
– Lorsque les scientifiques ont présenté le projet de la Vérité Avérée, vous étiez la première à lever la main ! J’étais dans la salle…
– J’ai travaillé pour le Service de la Protection Intérieure du Territoire ? Moi ?
– Vous faisiez presque partie des meubles. Après, c’est un peu parti en sucette, alors on vous a… reformatée.
– En sucette ?
Petite excursion au 84 Boulevard Peureux, car l’oxygène de cet ouvrage demande parfois des variations géographiques. Un bureau, deux protagonistes, un dialogue ping pong, on ne blouse pas le lecteur trop longtemps avec ce type de procédés.
Le commissaire Lasoupe – étranglé régulièrement durant ses années de lycée, dans la cour de récréation, avec le cri de ralliement : «Il faut serrer la louche à Lasoupe» – mesurait l’ampleur des emmerdements futurs.
Olivier Vaucresson se donnait une contenance en face de lui. Il mesurait les impacts, financiers, des cadavres féminins dans sa boutique. Un quatuor macabre de ce genre, c’est une partition commerciale qui présente de sérieux couacs ou canards. La palme revenant aux forces dite «de l’ordre» plutôt dépassées par le bordel généré via ce carnage.
Lasoupe éternua avec fracas. Quelle que soit la saison, il alignait assez d’allergies pour imbiber de morve force cargaison de mouchoirs. Quand il y avait des morts, c’était pire.
– Monsieur Vaucresson, je récapitule…Vous vous êtes rendu avec votre épouse à l’hôpital, prendre des nouvelles de votre ami d’enfance, Gérard. Sur place, votre femme, Brigitte, vous a enjoint de l’attendre dans votre voiture, le temps qu’elle devise avec M. Pierlot…
– C’est exact… souligna Olivier, histoire de ramener sa fraise dans une saga où il sentait naître le sentiment qu’on le prenait pour une poire…
– Après avoir patienté une heure dans votre voiture, vous êtes revenu dans le hall de l’hôpital. Ni votre épouse, ni votre pote de toujours s’y trouvaient encore… Disparus, en résumé… (il se moucha interminablement dans un mouchoir en papier fort vite imbibé)
– Je confirme…
– Vous avez alors harcelé le service clientèle et d’accueil de l’établissement le sommant de vous indiquer où étaient partis et Brigitte et Gérard ?
– J’y ai été peut-être un peu fort…
– Les témoignages recueillis évoquent un hystérique à grande gueule se contrefichant des autres et braillant des insanités indignes d’un être civilisé. Ensuite, vous avez reçu le téléphone indiquant le massacre qui s’est déroulé dans votre établissement.
– Exact…
– Mon instinct me dit que la disparition de votre femme, de votre ami d’enfance et cette boucherie pourraient avoir des liens.
– Et ?
– Eh bien, nous allons déjà demander les enregistrements vidéo du hall de l’hôpital…
Gérard, la réflexion aussi mélangée que des œufs brouillés, accouchait d’idées baveuses. Grisoune lui suggérait que Brigitte, l’Indispensable Féminin de son Existence de Mâle, avait souffert du syndrome de la langue déliée et de l’esprit fort mal tourné. Elle !
– La même maladie que moi ?
– «Maladie» serait un terme réducteur. Il s’agit d’un virus sur lequel nous avons travaillé pour l’inoculer à nos agents.
– ?
– Grâce à lui, nous avions des comptes rendus fiables au retour des missions. Aucune subjectivité. Que des faits vécus…
– ?
– Sauf que nous n’avons pas tout maîtrisé… Et nous nous rendons compte qu’il reste transmissible…
– ?
– Ce dont vous souffrez, c’est Brigitte qui vous l’a donné… Sans doute par la salive.
Lasoupe récupéra dans les trois heures les disques durs avec les images des diverses caméras de surveillance. Filmé sous quatre angles différents, avec les moments indiqués par Olivier, il arriva rapidement au vif de ses investigations. Face aux images pourries des écrans témoins, le commissaire arriva au moment où Grisoune et son acolyte sortaient leurs cartes devant Brigitte et Gérard…
Trois mots :
– Nom de dieu…
Une réaction (Lasoupe saisit convulsivement son téléphone fixe et se connecta avec sa secrétaire).
– Gisèle, vous me passez le ministre de l’Intérieur. TOUT DE SUITE !
(à suivre…)