… ET VACHEMENT D’EQUERRE Ramon Pipin – membre fondateur des groupes Au Bonheur des Dames et Odeurs – se fend d’un nouvel opus : « Comment éclairer votre intérieur ». Ce lumineux artisan musical, sans maison de disque, a pu enregistrer vingt titres grâce aux soutiens de ses fans. Un bouquet chansons avec un fumet d’amère ironie.
Pipin, c’est pas du pipeau. Dans sa bio sonore – dite discographie – il enchaîne une vingtaine d’albums déchaînés. Il y jongle avec tous les genres et s’y amuse avec la jubilation destructrice d’un sale gosse surdoué. Par ordre alphabétique, Ramon Pipin se révèle arrangeur, auteur, musicien et réalisateur. Les deux meilleurs albums de Renaud (« Marche à l’ombre » et « Le retour de Gérard Lambert ») lui doivent leurs emballages sonores. Grâce aux groupes Au Bonheur des Dames et Odeurs, Pipin s’est reproduit sur scène, normal pour un artiste « protéiforme ». Singulier dans son talent, il a eu des collaborations plurielles sur des BO, des séries animées… Histoire de ne plus le paraphraser, Pipin n’a pas lésiné sur la conception de galettes en solo, trois avant celle sur laquelle je ne vais pas tarder à pétrir quelques mots.
Sa verve toujours turgescente s’est – au fil du temps qui se dévide – retrouvée « orpheline de maison de disques, du producteur, d’éditeur ou de quelconque subventions ». En mai 2016, Ramon Pipin s’essaie au financement participatif via KissKissBankBank. L’enregistrement du futur « Comment éclairer votre intérieur » – imputable au Ramon Pipin Band – se devait de réunir 16 000 euros. Jackpot touché et réuni, les fans se sont montrés sensibles au pitch : « Il y a plus d’humanité et d’humour dans une seule chanson de Ramon que dans les œuvres de Nirvana et la Compagnie Créole réunies. Contribuez ! »
Sur CD, vinyle ou plate-forme numérique, voilà « Comment éclairer votre intérieur » accessible à toutes les oreilles. Ses rythmes caressent vos lobes et permet à Ramon de remonter au filet de l’inspiration. Peu de faiblesses et beaucoup de justesse iconoclaste injectent une énergie qui allument rire et réflexion (parfaitement!).
Pipin analyse son audience dans « Mon public » : 15% d’agriculteurs, 45% qui votent socialiste, 2% qui « cherchent encore Giscard sur les listes », 10% prêts à loger des migrants « à condition qu’ils fassent le ménage gratuitement ». Frondeur, Ramon promet qu’il fera tout ce qu’il peut pour déplaire au « Puritains ». L’objectif devrait être atteint plein centre. Avec « Une chanson ennuyeuse », Pipin appuie son côté Droopy sous Xanax. Musicalement, cette composition ne représente pas le reste de l’album pulsant côté sixties…
Alain Ranval – nom civil de Ramon Pipin – se paie les artistes conceptuels (« A l’expo de Bob ») qui proposent à leurs clients des créations avec des bols de corn flakes sur la tête d’une girafe ou qui font flotter les cendres de leur père dans du vomi. Il flatte le côté classe du velours côtelé qui permet d’être renversé par un camion de pompier et de se comporter avec dignité devant les brancardiers. « Je ne parviens pas à jouer convenablement le blues », assure Pipin, et je vous laisse contrôler pourquoi. Des « twongs » – des parenthèses sonores reposant sur moins de 140 notes – assurent des pauses courtes entre des « vraies » chansons. Vous ne vous remettrez pas de certains jeux de mots volontairement lamentables qui les achèvent. « Tu fais des salades », chronométré à 14 secondes, bat certains records de concision rythmée voire intellectuelle. Au final, « Je vous parle de ma génération » – le morceau planqué – tue le moindre atome de récupération. « Plutôt mourir que de rester djeun’s » crache Pipin entre son dentier pâteux (c’est une image). Il ressort de « Comment éclairer votre intérieur » un doux cynisme désabusé, une amertume dérisoire et revigorante. Pipin veut « kiffer la retraite », qu’il vive immortellement !
Joël Cerutti
Pour commander le disque: http://ramonpipin.fr/shop-2/
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(première publication le 13 juin 2017)