MENOTTES ET ARRESTATION Non contents d’infliger à Narcisse Praz une amende salée, les fonctionnaires de l’icha oublient de signaler certains menus détails aux douaniers. C’est con quand on passe la frontière et qu’on se retrouve en prison!
Résultat concret? Une amende? Une amende si importante que je mettrai sept ans à la payer. Et comme je suis parti pour Paris entretemps, je verse mes mensualités. Gentils, ils sont: ils te permettent de payer par mensualités. Mais ils n’oublient pas les intérêts! On est en pays capitaliste, oui ou crotte? Crotte. Or, en rentrant en Suisse, que croyez-vous qu’il arriva ?
Monsieur, vous êtes au Moniteur Suisse de Police. Ah? Moi? Mais enfin, je vis en France depuis cinq ans, je n’ai pas pu commettre de délit en Suisse! Sais pas. Veux pas savoir. Moi douanier. Moi exécuter ordres avec policier ci présent. Policier passer menottes à vous. Policier emmener vous au poste de police. Moi laver les mains à moi. Moi pas savoir. Moi douanier. Moi faire devoir. Moi policier aussi. Vous dormir en prison. Et demain vous rencontrer chef police. VOUS expliquer. Et j’ai expliqué cette amende, je la paye par mensualités, que diable Que me reproche-t-on ? Ils sont au courant, à Berne, ils sont d’accord ! J’ai leur lettre qui en témoigne. Ah bon? VOUS avez une lettre? Vous pourriez me la montrer ?
Certes, mais pour cela il faut que je puisse rentrer chez moi! Alors, on ne va pas prendre ce risque, non. Bon, eh bien, téléphonez donc à Berne! Ce qui est fait. On me fait attendre et attendre. Enfin, on me libère.
Explication ?
Car il y a une explication à cette arrestation Sur dénonciation au M.S.P. L’explication ?
Allez, accouche, Narcisse! Dis-nous. Dis-nous tout. On brûle de la connaître, ton explication.
Ah bon? Eh bien, le fonctionnaire qui m’avait donné au Moniteur Suisse de Police, l’hurlubernois de service l’lcha, avait oublié cette fameuse lettre et, tout à coup, l’avait retrouvée lorsque le chef de la police, maître de ma liberté, lui a téléphoné. Merci. C’est vraiment trop de bonté. Quant à ce qui se passe dans la tête d’un homme soudainement arrêté sans explication, alors qu’à la maison ses enfants se demandent pourquoi, mais pourquoi diable papa n’est pas rentré la nuit passée, ça leur passe largement par dessus la tête, aux hurlubernois. L’un d’eux s’est trompé? Et alors? Cela peut arriver à tout le monde de se tromper !
Oui, mais voilà: cela l’a pas les mêmes conséquences pour tout le monde. Et vous vous étonnez encore que je haïsse le fonctionnaire en général? Ils se chargent de faire tout ce qu’il faut pour cela.
Mais que cela ne vous empêche pas, vous autres, de les aimer, de les cocoler, de les aduler, de leur lécher les bottes! Vous êtes libres, vous savez! En Suisse, on est libre. Enfin, provisoirement.
Et dire que tout ça a commencé en 1939 !
Narcisse Praz