COUPS DE POUSSES (24)   Le hasard fait parfois bien les choses. Il y a quelques jours, on me demande d’animer une rencontre littéraire avec Raphaël Jerusalmy, auteur de La Confrérie des chasseurs de livres, deuxième roman qui suit le remarqué Sauvez Mozart, également paru chez Actes Sud.

Quelques jours auparavant, David Boidin attire mon attention sur le Guide de l’uchronie, de Bertrand Campeis et Karine Gobled, paru aux éditions ActuSF. Or il se trouve que La Confrérie des chasseurs de livres est une parfaite uchronie. En effet, Raphaël Jerusalmy nous propose de suivre les tribulations de François Villon en Terre Sainte. Le premier poète des temps modernes vient alors tout juste d’échapper à la potence. Historiquement, c’est le moment où l’on perd sa trace, c’est là que commence le roman.

confrerie-des-chasseurs-de-livres-158x300 C’est au cachot que nous faisons connaissance avec François Villon dès la première page. Guillaume Chartier, évêque de Paris et envoyé de Louis XI lui rend visite. Il a emmené avec lui un exemplaire de ResPublica imprimé par un orfèvre et imprimeur de Mayence, Johann Fust. En plus d’être un poète subtil, François Villon est un voyou, un voleur, un rebelle. Et c’est de toutes ces «qualités» dont a besoin Louis le Prudent. Le roi cherche à affaiblir le pouvoir de Rome afin d’asseoir le sien. Il souhaite donc que les écrits séditieux (Rome veut interdire la publication de La République de Platon) trouvent de nouveaux chemins en son royaume. A la différence des moines copistes, l’imprimerie n’est pas assujettie à l’Eglise.

Avec l’aide de Colin de Cayeux, Coquillard comme Villon, qui a déjà été mandaté pour surveiller les faits et geste de Fust, le poète doit réussir à convaincre l’orfèvre et imprimeur allemand d’installer des presses en France afin de mieux combattre la censure et de faciliter la diffusion des idées nouvelles. François et Colin passent par Gênes où ils reçoivent leurs instructions et partent pour la Terre Sainte alors dominée par les mamelouks. Commence une aventure haletante, passionnante, érudite. La Confrérie des chasseurs de livres a des ramifications dans le monde entier, mais c’est à Jérusalem que Villon va découvrir que la ville est double, qu’il y a la Jérusalem d’en haut et, surtout dans ce cas, la Jérusalem d’en bas. Véritable roman policier à rebondissements, ce livre prend le lecteur par la main pour ne le lâcher qu’à l’ultime pirouette de Villon autour de rien moins que le testament de Jésus.

JERUSALMY-Raphael-C_Renaud-Monfourny-portfolio-e1406397975870Dans une langue d’une grande richesse, mais jamais obscure, Raphaël Jerusalmy réédite l’exploit réussi avec Sauvez Mozart: détourner l’Histoire pour en faire une bonne histoire. L’auteur est lui-même un personnage de roman. Après avoir fait Normale Sup pour faire plaisir à ses parents (tout en fréquentant la scène punk parisienne, les post-surréalistes et les dadaïstes), il décide de réaliser son rêve : aller faire le cow-boy dans le désert du Néguev. Il entre dans l’armée israélienne, il y restera dix-sept ans. De soldat, il passera au renseignement militaire. Devenu colonel, il est l’un des deux officiers habilités à parler avec toutes les Arabes de la région. Pour l’armée, une mission humanitaire au Rwanda le marquera pour toujours. Après avoir effectué des missions humanitaires et d’éducation, il s’est installé à Tel-Aviv où il est marchand de livres anciens. Mais cette activité est devenue secondaire face au succès grandissant de ses deux premiers romans jubilatoires.
Pascal Schouwey

La Confrérie des chasseurs de livres, par Raphaël Jerusalmy. Actes Sud, 316 p.

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