TOUS A LA CAISSE ! PJ Investigations a reçu dans ses courriels une lettre ouverte à Pierre-Yves Maillard qui concerne la caisse unique. Son contenu pose des questions sur le fond du problème et non pas sur la forme. En fait tout le monde est renvoyé dos à dos. Pour la rédaction, ce document est un intéressant objet de réflexion et non pas une prise de position… A vous de réagir et de vous exprimer!
Monsieur
Pierre-Yves Maillard
Conseiller d’Etat
Place du Château
1004 Lausanne
Lettre ouverte
R/Caisse unique
Monsieur le Conseiller d’Etat,
Il est surprenant et navrant à la fois de voir un Conseiller d’Etat perdre son temps dans un débat stérile comme celui de l’introduction d’une caisse unique.
En effet, si certaines caisses privées font peut-être preuve d’un grave manque d’éthique ou s’enrichissent de façon indue sur le dos des assurés, il suffit de donner à l’OFAS les compétences adéquates pour exercer la surveillance nécessaire et suffisante afin d’empêcher de tels abus. Il est par contre déplacé et dispendieux de bouleverser totalement le système existant sous prétexte que les assurances privées abusent de la situation. En effet, la mise en place d’une caisse publique pose des problèmes d’organisation et de gestion insoupçonnés, alors même que les capacités de gestion de l’Etat sont hélas trop bien connues… Sans parler du fait qu’une caisse unique doit pouvoir travailler en français, allemand et anglais au moins, avec des ramifications à l’étranger pour les ressortissants vaudois, romands et suisses vivant à l’étranger ou se déplaçant fréquemment à travers le monde. C’est déjà presque un casse-tête pour les caisses privées !
Mais, de toute façon, «inventer» une caisse publique pour contrer le coût totalement excessif de la santé est naïf, illusoire et trompeur. En effet, quel que soit le système de caisse maladie en vigueur, le problème de fond est totalement indépendant de l’assurance choisie. Il faut s’attaquer à la hausse continue des prix en général et des coûts de la santé en particulier, une hausse due autant à l’incurie des milieux politiques qu’à l’existence de cartels – industrie pharmaceutique, corps médical, pharmacies et réseaux de distribution, hôpitaux, etc. L’Office fédéral de contrôle des prix a tiré la sonnette d’alarme, il y a plusieurs semaines, mais le monde politique l’a superbement ignoré. Cette absence de réaction et de débat public est incompréhensible – et dangereuse au plan socio-économique.
Il serait aussi très opportun de suivre de près la COMCO – ou alors de lui donner les moyens nécessaires pour contrer efficacement la cartellisation de l’économie suisse, déjà très avancée. Mais les partis ne semblent pas s’en soucier : très probablement parce que trop peu de politiciens connaissent suffisamment le sujet ou veulent bien faire l’effort nécessaire pour intervenir valablement. Mis à part les appartenances politiques qui influencent le positionnement des parlementaires et membres des gouvernements, le fait que ces messieurs et ces dames appartiennent à la classe moyenne (avec des rémunérations dépassant généralement les 100’000.- par an), détermine l’action politique : l’intérêt de classe domine !
Vous êtes épris de justice sociale ? Vraiment ? Alors si tel est le cas, investissez-vous dans l’éradication de l’injustice sociale la plus violente qui frappe notre société – la différence de traitement (au niveau de la partie sur-obligataire) entre caisses publiques et caisses privées. Vous savez parfaitement que les taux de conversion et d’intérêt plus élevés des caisses publiques conduisent, à salaire égal, à des rentes supérieures pour les fonctionnaires; et vous savez aussi que si une caisse publique a des problèmes de trésorerie, l’Etat – donc les contribuables – lui viendra généralement en aide. Et ce sont justement ceux qui sont prétérités par un régime de pension moins favorable qui devront mettre la main au porte-monnaie pour sauver la rente des «nantis». Quelle belle justice sociale !
Alors, au lieu de tenir un dialogue gauchiste dépassé et de promouvoir la caisse unique – voyez la gabegie française par exemple – investissez-vous dans le combat essentiel pour les prochaines années et générations avec le vieillissement de la population: la mise à niveau des rentes des ouvriers, des employés et des fonctionnaires. Une question d’équité et d’éthique qui devrait être prioritaire pour vous.
Mais voilà, le problème est que vous et vos collègues, tous partis confondus, serez très probablement, en tant que retraités du Conseil d’Etat ou des parlements, au bénéfice d’une rente publique. Et comme toute charité bien ordonnée commence par soi-même…
Avec mes salutations distinguées.
(signataire connu de la rédaction…)